Se reconstruire et s’épanouir à travers la pratique du volley-ball – Témoignage 1

Je m’appelle Dominique DUVIVIER, je suis éducateur sportif avec un Brevet d’état DESJEPS Volley-ball et un BEA foot et j’exerce depuis l’âge de 24 ans.
J’ai été éducateur au comité départemental d’Ille-et-Vilaine avec la formation de jeunes joueurs et j’ai participé au projet de développement où j’ai pu intervenir auprès de différents publics : prison, IME, écoles…

Ensuite, je me suis orienté vers le sport de haut niveau en devenant membre du staff de détection féminine. Plus tard, je suis devenu entraîneur de Nationale 1 puis entraîneur adjoint en charge de la préparation physique à Nantes.

Aujourd’hui, je suis à Quimper depuis 4 ans, j’ai débuté en tant que premier entraîneur puis maintenant adjoint de l’équipe Élite et coordinateur du club. Enfin j’ai ajouté une corde à mon arc ces dernières année avec le Volley-assis.

En tant que sportif toi-même, que  t’as apporté le sport sur un plan personnel ?

Le sport m’a apporté de super rencontres, mais aussi un épanouissement professionnel et personnel. J’ai toujours été passionné par le sport, dès l’âge de 12-13 ans, j’ai commencé à entraîner d’autres jeunes, ça m’a permis de vivre des expériences sympas avec mes copains et de ressentir un bien-être grâce à lui !


Dans ta carrière d’entraîneur t’es-tu retrouvé dans une situation où tu proposais le sport à une personne en « difficulté » ou des personnes qui n’ont jamais pratiqué de sport ?

Concernant les personnes en difficulté, il y a eu deux épisodes :
Le premier dans les prisons ; ce n’était pas forcément des personnes qui ne pratiquaient pas de sport (dans la prison des hommes ils faisaient de la musculation) mais dans la prison des femmes, c’était différent, c’était un moyen de s’évader de la cellule et de pouvoir pratiquer des activités avec d’autres personnes. Elles sortaient de leur quotidien, grâce à ce temps.

Moi j’arrivais de l’extérieur, ce n’était pas les éducateurs habituels donc ça donnait des temps d’échange différents. Ça permettait de leur redonner un petit peu le sourire et surtout de les mettre dans des situations de réussite qu’elles n’avaient peut-être pas connues jusqu’à présent ; quand on se retrouve en prison, c’est qu’il y a eu un échec quelque part.


L’objectif des séances était de toujours les mettre en situation de réussite, mais aussi d’aller puiser au plus profond d’elles-mêmes, dans leur énergie pour qu’elles puissent se dépasser  et retrouver cette envie de s’en sortir.

Ensuite, il y a eu le volley-assis avec Handisport (Handisport Quimper Cornouaille) dont je m’occupe depuis deux ans. C’est vraiment quelque chose qui me passionne parce que ce sont des  gens en pleine reconstruction, ils ont accepté leur handicap et ils viennent se défoncer ; ils sont à 200% ! Je pense qu’ils sont plus engagés dans leur pratique qu’une personne valide parce qu’ils ont cette envie de montrer qu’ils sont en capacité de faire quelque chose.

 

 

 

 

 

Quels sont pour toi les impacts bénéfiques du sport en dehors de l’aspect physique ?

Quand on sort d’un traumatisme comme ils ont pu le vivre, ils ont deux solutions : soit se laisser aller, soit chercher à s’en sortir. Quand tu as accepté ta contrainte ou ton handicap, tu trouves alors des moyens, des ressources pour faire quelque chose (volley assis, basket fauteuil, etc…). Tu vis pour ça ! Ils sont même plus demandeur ; avec eux si tu ne mets pas de stop ils voudraient pratiquer tous les jours.

 

Penses-tu que cela serait aussi efficace pour des personnes en détresse psychologique ? Est-ce que tu vois une similitude entre les deux ?

Je mettrai la similitude davantage avec les personnes qui ont subi un traumatisme non pas physique, mais un traumatisme psychologique. Il faut savoir qu’il y a des gens qui se retrouvent en prison, car ils se sont défendus ou ont défendu quelqu’un de proche.
Malheureusement il y a des choses que tu n’as pas le droit de faire ; tu fais un geste qui te mène en prison et il faut alors se reconstruire. Le sport pour ces personnes est un moyen d’évasion et de se dire qu’en sortant, elles peuvent peut-être faire quelque chose : elles peuvent s’imaginer devenir une sportive ou devenir éducatrice.

Pourquoi un sport collectif plutôt qu’un sport individuel  et en particulier le volley-ball ?

Un sport collectif, car on a besoin de se retrouver en confiance avec d’autres personnes et justement de partager des choses ensemble. Il faut retrouver le plaisir de faire quelque chose ensemble pour atteindre un objectif. Tu es obligé de travailler avec l’autre et le volley-ball est le sport collectif par excellence, car tu ne peux pas jouer tout seul. Au volley-ball si tu ne fais pas de passe, tu ne réussiras jamais à jouer et à gagner.

C’est pour ça que le volley-ball est intéressant, il y a plein de choses autour de l’activité qui sont importantes. Je parle d’entraide, de coordination de développement moteur (réapprendre à accepter son corps par exemple). Je trouve que cette activité est bien à propos et puis il n’y a pas de contact direct. Il faut savoir que certaines personnes ont du mal à accepter le contact : soit elles pourraient être paralysées ou excessivement agressives en cas de contact. Et dans le volley-ball, tu n’as pas tout ça.

Tu décris une situation qui pourrait mettre des freins à la pratique ?  Comment  ferais-tu pour dépasser ces réticences ?

La pratique du volley-ball est très technique, ce n’est pas inné. Il y a une motricité qui s’apprend et pour les adultes cela peut être compliqué au départ.
Cependant, nous avons la chance aujourd’hui d’avoir du matériel adapté qui permet d’avoir des temps de déplacement plus long ou encore des contacts moins traumatisants.

Par des aménagements matériels, mais aussi par le passage au volley-assis ou au soft volley on va pouvoir amener petit à petit vers la pratique.
Le volley-ball n’est qu’un moyen, il faut le voir dans toute sa globalité et pas seulement six contre six en compétition. Il faut le voir plutôt comme une gymnastique avec le ballon pour amener vers un jeu de volley avec un filet qui sépare les deux camps.

Si tu connaissais une personne en difficulté est-ce que tu lui conseillerais d’essayer ? Et quels changements aimerais-tu voir en elle ?

Oui évidement si je connaissais quelqu’un qui avait vécu des traumatismes quels qu’ils soient !
C’est avant tout retrouver le plaisir de mettre sur son agenda des créneaux, en se disant « Oui le lundi, je vais au volley-ball » et q
ue cette pratique lui permette de recréer des liens et de retrouver une vie sociale.

Je pense que quand on est en difficulté (handicap, sociale, psychologique…) on peut se sentir marginalisé, voir on se marginalise soi-même en se disant «  ce n’est pas pour moi », «  je ne suis pas fait pour ça ».
Le fait de se retrouver en groupe, même si on a vécu des traumatismes,  ça apporte du lien social et permet aussi de se retrouver soi-même.

J’aimerais que tout cela les amène à pouvoir se lancer dans des projets, que cette pratique leur montre le chemin parcouru et que maintenant ils puissent choisir ce qu’ils souhaitent faire d’un point de vue personnel et professionnel. Qu’ils se disent : « Si je suis capable dans le sport alors je suis prêt dans ma vie personnelle ou professionnelle à tout affronter. »

Ma plus grande satisfaction serait que quelqu’un se dise dans 1 an :
« Moi j’ai envie de continuer, pas forcément pour ma pratique, mais j’ai trouvé un environnement qui me convient. »
« J’ai envie de vous donner un coup de main au club ! » Ou encore « J’ai trouvé un emploi et je  reprends ma vie en main. »

 

Propos recueillis par Cassiopée BESNEHARD en stage au Quimper Volley 29

1 comments on “Se reconstruire et s’épanouir à travers la pratique du volley-ball – Témoignage 1

  1. René Le Reste on

    Excellent interview de cette jeune joueuse avec ses questions pertinentes, qui nous fait découvrir les différentes facettes d’un éducateur sportif  » multicartes » qui aspire à d’autres projets .

    Bravo à tous les deux et bonne chance pour la suite. RLR

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *