Se reconstruire et s’épanouir à travers la pratique du volley-ball – Témoignage 4

Laure JACOLOT, j’ai 43 ans et je suis médecin au centre hospitalier de Quimper au département de médecine du sport. Je suis aussi urgentiste de formation, j’ai fait des urgences pendant 12 ans. Aujourd’hui, je suis médecin du sport à temps plein à Quimper depuis 4 ans où j’ai deux casquettes. 

Dans un premier temps, je suis médecin des sportifs (amateur et professionnel) je m’occupe du pôle France course au large à Port la Forêt avec le suivi d’une cinquantaine de navigateurs professionnels. Cette année j’ai été médecin du Vendée Globe.  Je suis aussi médecin de la commission médicale nationale du basket en charge du développement du basketball au féminin et en charge du suivi des équipes de France 3 contre 3 en basketball. Je m’occupe aussi de l’équipe professionnelle du  Quimper Volley 29 depuis 3 ans. Et enfin du suivi de sportifs amateurs du territoire. 

Dans un second temps, je m’occupe du sport santé et de la prescription du bilan d’activité physique adapté dans le cadre d’hôpitaux de jour. Nous accueillons des patients, nous faisons des bilans de l’activité physique, de la prescription et de l’encadrement vers de la pratique autonome extérieure. Nous sommes maison sport santé sur Quimper depuis 1 an. Une structure a été mise en place et permet d’accueillir toutes personnes qui souhaiterait reprendre une activité physique ou bénéficier d’une prescription d’activité physique. Cette dernière est un traitement qui est règlementé et reconnu par l’Agence Nationale de Santé. 

D’un point de vue personnel, je suis convaincue par le bienfait de l’activité physique au-delà du côté scientifique qui le montre, je suis moi-même pratiquante et j’ai toujours fait du sport. Je viens du sport collectif, je faisais du basketball pendant 20 ans au niveau Nationale 2. Maintenant je fais plutôt des sports d’endurance tels que la course à pied, du trail, du paddle, de la caravelle et un peu de voile. Je suis donc pratiquante et convaincu par les bienfaits de l’activité physique comme vecteur de bonne santé. 

En tant que sportive qu’est-ce que le sport t’a apporté d’un point de vue personnel ? 

J’ai toujours fait du sport depuis toute petite, jusqu’à devoir faire un choix. Le sport a toujours été un équilibre. J’ai construit ma vie autour du sport. J’ai aussi fait des concessions pour le sport : avec 5 ou 6 entraînements par semaines, il fallait que je me sente bien à la fois dans mon sport tout en alliant mes études. 

En terminale, j’ai dû faire un choix, soit continuer à jouer en nationale 2, soit faire médecine. J’ai choisi les études et je ne regrette pas. Le sport de haut niveau et le sport tout court m’a beaucoup apporté. Tout d’abord, les valeurs par le sport collectif et le travail en équipe. Mais aussi la persévérance, faire des concessions et se donner les moyens. Tout cela m’a servi dans mon parcours professionnel, si j’ai réussi à devenir médecin je pense que c’est grâce à ces valeurs-là. J’ai forgé mon caractère et je me suis donné les moyens pour faire quelque chose. Par ailleurs, ça m’a aussi servi dans mon travail d’urgentiste. Lorsque l’on intervient sur la route et que l’on doit travailler en équipe avec les gendarmes, les pompiers et sa propre équipe, car seule je suis incapable de prendre en charge un patient correctement. Donc je pense que le sport m’a beaucoup servi dans ce contexte. Enfin le sport d’un point de vue personnel, lorsque je faisais les urgences, parfois nous vivons des expériences compliquées émotionnellement et le sport me permettait de gérer ce côté un peu personnel. Ce dernier pouvait nuire à la pratique si nous ne réussissons pas à l’évacuer. 

Tu as donc utilisé le sport comme moyen d’évasion ? 

Oui exactement. Aujourd’hui je pratique des sports d’endurance et lorsque je fais une sortie trail ou vélo ou quand je vais sur l’eau, je me fais une séance d’autohypnose. C’est-à-dire que je me déconnecte. La pratique sportive m’aide beaucoup et m’équilibre beaucoup. 

Tu as donc été durant ta carrière face à des situations dans lesquelles tu as proposé le sport à des personnes en difficultés. Quel est le but du sport pour ce type de personne ? 

Nous parlons beaucoup plus aujourd’hui d’activité physique plutôt que de sport. Ce dernier fait partie de l’activité physique, mais l’idée est de montrer au patient que l’activité physique est le meilleur indicateur de santé qui existe actuellement. Nous voyons que l’activité physique a une répercussion directe sur l’état de santé, à la fois la santé générale, mais aussi le bien-être du patient. Les personnes qui font du sport comme nous, savent très bien que lorsque nous nous mettons en mouvement il y a un sentiment de bien-être. 

Maintenant, nous allons plus loin que ça ; d’un point de vue médical nous savons comment cela fonctionne. Nous connaissons les chiffres et notamment ceux du cancer du sein pour les femmes, actuellement aucun médicament n’est aussi efficace. 

Pour une femme jeune qui se met à faire du sport à 20 ans elle a 30% de risque en moins de développer un cancer du sein. Il n’y a aucun médicament ni aucune méthode préventive qui fait mieux actuellement. À partir du moment où une femme contracte un cancer du sein, elle a jusqu’à 40% de risque de récidive en moins si elle fait de l’activité physique en plus du traitement. 

Les femmes aujourd’hui, ainsi que la population en général n’ont pas le choix que de se mettre en mouvement pour prévenir l’apparition des maladies. Donc le sport à un impact sur l’état de santé générale, mais agit aussi sur les cancers, les maladies cardio-vasculaires, le diabète etc. Beaucoup d’études prouvent qu’il y a aussi un impact sur le syndrome axio dépressif. Nous le voyons lorsque l’on met des patientes en mouvement, elles se sentent beaucoup mieux, elles augmentent l’estime d’elles-mêmes. Elles gagnent aussi de l’énergie, elles sont moins fatiguées, elles ont plus d’entrain. L’activité permet aussi de se sevrer de certaines addictions. On démontre donc aux patients qu’il y a un intérêt fondamental pour leur état de santé, pour leur bien-être personnel et leur intégration potentiellement dans la société. 

Concernant l’intégration à la société, est-ce que le sport santé a pour but de faire un lien entre le sport et le professionnel ?  

Oui, car la première des choses pour se sentir bien en société c’est d’avoir une bonne image de soi. Ainsi le fait d’avoir une meilleure image de soi permettra de faire des choses et de s’intégrer dans des groupes. Deuxième chose, lorsque l’on gagne, nous améliorons l’estime de nous-même et l’intégration dans un groupe sera plus facile. Le fait de participer à des activités physiques en groupe permet de trouver sa place dans la société là où elle a pu être perdue à la suite d’un évènement difficile. 

Comment s’est développé Sport santé ? 

La première étude princeps a été réalisée en 1957 à Londres sur une population de 1000 conducteurs et contrôleurs dans les bus. Nous nous sommes aperçus que les conducteurs de bus faisaient plus d’infarctus et décédaient plus précipitamment que les contrôleurs. Une des grandes différences entre les deux était que les conducteurs restaient assis. À partir de là, de nombreuses études ont été faites et nous avons bien vu qu’actuellement l’activité physique, la mise en mouvement améliore l’état de santé. Nous savons comment cela fonctionne physiologiquement. 

Concernant le projet sport santé, la prescription médicale est arrivée en 2016 déjà. Néanmoins, la problématique est que les prescripteurs ne sont pas formés, ils n’ont pas appris ça durant leurs années de médecine. Les médecins n’ont pas connaissance de ce qu’ils peuvent prescrire et proposer à leurs patients autour de chez eux. La base de la prescription médicale c’est l’entretien motivationnel. Si le patient n’adhère pas il n’y aura pas d’effet. Il faut donc le motiver et lui proposer quelque chose qu’il va aimer en adéquation avec son état de santé et ses pathologies. Dans ce cas-là le patient « prendra » son traitement tous les jours, toutes les semaines. L’idée est de mettre en mouvement le patient sans lui créer une pathologie secondaire. 

Enfin, concernant la mise en place d’activité physique pour les personnes plus vulnérables, que pourrais-tu leur dire pour celles et ceux qui appréhendent de se lancer dans la pratique de l’activité ? 

Leur expliquer qu’ils sont encadrés avec des gens qui vont leur proposer une activité compatible avec leur problématique. Je pense qu’il ne faut pas donner une image de quelqu’un d’extrêmement sportif lorsque nous proposons une activité physique à des personnes qui n’en n’ont jamais fait. 

Il faut souligner qu’il y aura d’autres personnes présentant peut-être des problématiques similaires. Tout sera adapté au groupe en général. Il faut sortir cette image du sport de compétition afin de proposer plutôt une activité de bien-être avec le respect de chaque problématique, à l’écoute de leurs angoisses ou de leurs peurs.

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